Parler, si cela ne s’inscrit pas, cela ne compte pas.
Qu’est-ce qu’un acte juridique ?
Nos sociétés sont de l’écrit. L’écrit fait lien dans la mémoire collective.
Ainsi sans acte de naissance, on n’existe pas. L’acte de mariage est différent du vivre ensemble ; le lien symbolique est mis en cause.
Il est nécessaire, dans une société comme la nôtre que les choses soient écrites. L’acte juridique témoigne de l’alliance des dimensions du symbolique, de l’imaginaire et du réel.
Après cette brève introduction sur l’importance de la trace écrite pour souligner l’écart entre la parole et l’acte, Jean Pierre Winter repend la fin du séminaire précédent : Foucault, Nietzche par rapport aux philosophes grecs sur la question de la vérité.
Du rapport de la vérité au discours
Avant Platon, la vérité d’un discours, c’était le discours de celui qui règne : le juge, le prêtre, le devin, le roi. Il y avait une vérité liée à l’acte.
Mais avec Platon, le vérité la plus haute réside dans ce que le discours dit : un jour est venu où la vérité s’est déplacée de l ‘acte vers le dit dans le discours. Le nouveau n’a pas pour autant effacé l’ancien. Les deux coexistent : la vérité prophétique associée à la vérité rationnelle. Chez les grecs, le discours vrai est celui qui répond au désir du pouvoir.
Chez Foucault, il y a une histoire de « la volonté de vérité » et la volonté de vérité n’est pas le désir de vérité. Dans la volonté de vérité, on prétend que c’est la vérité qui est première, le désir ayant à se régler sur elle. Or pour Foucault, c’est une machinerie à exclure d’autres discours et qui met en jeu la vérité et le pouvoir.
Pour Nietzche, derrière cette volonté de dire vrai, qu’est-ce qui se
cache ?
Derrière cette volonté de vérité se cache une volonté de puissance.
Foucault répond par le lien qui unit le pouvoir libéral et la vérité.
Le désir de vérité serait donc un cas particulier du désir en général qui serait un désir de pouvoir et de domination.
Ce désir de vérité serait d’une espèce sournoise. Dans la volonté de puissance, on trouve la vérité du désir de vérité. On tombe alors sur le paradoxe du menteur.
On est aux prises quotidiennement avec cette question dans la pratique analytique. En exerçant dans le désir de vérité, la psychanalyse exercerait sa puissance.
Si le rapport analysant/analyste est un rapport dominant/dominé : quid du désir de vérité du dominé ? Réponse : un désir de reconnaissance qui n’est pas sans lien avec le jeu de la domination.
Dès lors la vérité peut se définir comme un processus vivant dont le déploiement se ferait dans l’espace de la parole. Ce ne serait pas une vérité constituée. Le désir de vérité est moins déterminé que le désir de vérité comme objet.
On désire la vérité parce que s’il nous ment, l’autre nous nie.
Dans la Genèse, Eve croit ce que Dieu lui a dit : « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez. » Le serpent lui dit : « Pas du tout ! Vos yeux s’ouvriront. » Autrement dit, Dieu a menti. Donc Il ne les a pas reconnus comme ses égaux.
Pour avoir une idée de vérité, il fallait avoir une idée du mensonge ; le serpent introduit la vérité par le biais du mensonge.
Au fondement de tout désir, il y a un désir de reconnaissance. C’est le fond de tout désir humain. Le désir de l’homme trouve son sens dans le désir de l’Autre non pas tant parce que l’Autre détient son objet désiré, son objet est d’être reconnu par l’Autre.
Ainsi dire que tout désir est en son fond désir de vérité est hasardeux.
Alors comment maintenir un concept fort de vérité ?
Cela passe par un travail du concept même de désir. Si le désir se constitue comme manque, un interdit constitue ce manque (« Tu n’en mangeras pas ! »)
Aux yeux de Lacan, cette loi est le langage même ; la loi n’est rien d’autre que le langage.
Le désir lié au langage, ce n’est pas la pulsion du corps. « Le premier désir pourrait bien avoir été le souvenir d’un acte d’investissement hallucinatoire de satisfaction. » Freud
Le désir de l’homme c’est le désir de l’Autre en tant que celui qui dévoile la loi fondamentale, la loi qui donne au désir sa structure.
En quoi est-ce que cela établit un concept fort de vérité ?
Le langage en étant ce qui ouvre la possibilité du mensonge, l’Autre devient témoin de la vérité.
L’analyste en place de l’Autre devient témoin de la vérité (avant d’être en place de « a »). En tant que désir de l’Autre, on peut dire que le sujet est dans un certain rapport à la vérité.
En résumé
Ce concept de vérité s’établirait en 3 points :
♦ Analyser la naissance du désir, le sens profond de tout désir.
♦ Relativiser ce désir en tant que, dans la relation à l’Autre, il est désir de reconnaissance.
♦ Enfin considérer le langage comme lieu de la vérité.